Alors que les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) subissent une fronde des taxis, les Autolib’ bénéficient d’un accueil plus clément. Pourtant, l’enquête que 6t-bureau de recherche a menée sur l’impact du service Autolib’ montre qu’Autolib’ contribue à une forte diminution des usages hebdomadaires et mensuels du taxi. Alors qu’avant d’être abonnés à Autolib’, l’usage hebdomadaire du taxi était très important, il se divise par 3 après l’adhésion (19% des abonnés l’utilisaient toutes les semaines avant leur inscription à Autolib’ contre 6% après).Quant au nombre d’usagers qui n’utilisent jamais le taxi, il double après l’inscription à Autolib’ (passant de 11 % avant Autolib’ à 20 % après).
Cette forte baisse de l'usage du taxi induite par un abonnement à service d’autopartage est spécifique à Autolib’. Les Autolibeurs sont 60 % à déclarer moins utiliser le taxi contre seulement des abonnés 22 % des abonnés à Mobizen (service d’autopartage en boucle francilien) et 9 % des abonnés à un service d’autopartage en boucle hors Ile-de-France.
Figure 1 : Une forte diminution de la part d’inscrits à Autolib’ utilisant fréquemment le taxi
Afin de mieux comprendre la diminution de l’usage du taxi constatée, nous avons classé les répondants à Autolib’ en quatre catégories, en nous basant sur la fréquence d’usage du taxi avant le passage à Autolib’ et après le passage à Autolib’. Les fréquences d’usage que les répondants pouvaient indiquer pour le taxi étaient « une fois par semaine ou plus », « 2 à 3 fois par mois », « une fois par mois », « 6 à 11 fois par an », « 1 à 5 fois par an », « moins souvent » et « jamais »
Figure 2 : répartition des inscrits à Autolib’ selon l'évolution de leur usage du taxi
La diminution de l’usage du taxi est le fait des inscrits qui, auparavant, l’utilisaient le plus fréquemment : ainsi, on observe une forte diminution de l’usage du taxi pour 40 % des inscrits qui auparavant le prenaient au moins une fois par semaine, 36 % de ceux qui le prenaient 2 à 3 fois par mois et 40 % de ceux qui le prenaient une fois par mois. La diminution est beaucoup plus faible pour les usagers qui utilisaient déjà peu le taxi avant leur inscription à Autolib’. Ces résultats supposent un impact global fort sur l’usage du taxi.
Figure 3 : évolution de l'usage du taxi suite au passage à Autolib’, selon la fréquence d'usage du taxi avant le passage à Autolib’
Alors que le taxi « parisien » est un mode de transport utilisé principalement par les catégories socioprofessionnelles « supérieures » (cadres, chefs d’entreprise, professions libérales, etc. …), on s’aperçoit également que ce sont ces catégories de personnes qui diminuent le plus leur usage du taxi. Une fois abonnés au service Autolib’, les artisans, commerçants, chefs d’entreprise, ainsi que les cadres et professions libérales, sont deux tiers à diminuer leur pratique du taxi.
Figure 4 : évolution de l'usage du taxi par les inscrit à Autolib’, selon la catégorie socioprofessionnelle
La diminution d’usage du taxi est plus importante chez les "autolibeurs" Parisiens que chez les résidents hors de Paris : 64 % des premiers diminuent leur usage du taxi, contre 54 % des seconds. L’impact en est d’autant plus important qu’en dehors des touristes et des déplacements professionnels, en Ile-de-France ce sont principalement des résidents parisiens qui utilisent le taxi.
Figure 5 : évolution de l'usage du taxi par les inscrit à Autolib’, selon le lieu de résidence
Alors que le taxi est a priori une alternative efficace pour les individus non motorisés, il s’avère que ce sont justement les personnes sans voiture qui abandonnent le taxi dès qu’elles s’abonnent à Autolib’ : 66 % d’entre elles diminuent leur usage du taxi, contre 51 % de celles qui possèdent une voiture et 54 % de celles qui en possèdent deux ou plus.
Figure 6 : évolution de l'usage du taxi par les inscrit à Autolib’, selon le nombre de voitures possédées dans le ménage
L'Autolib’ prend des parts de marché aux taxis parisiens pour deux raisons majeures. D’abord, elle s’adresse pour une large part aux mêmes types d’usagers : des classes moyennes supérieures, des personnes peu ou pas motorisées, résidant principalement dans Paris. Ensuite, elle offre un service similaire (bien que sans chauffeur, c’est une voiture en libre-service et en trace directe) mais elle est moins chère et, grâce à la densité de l’offre ainsi qu’au service 24/24, elle est plus accessible que le taxi.
Alors qu’il y a presque autant d’Autolib’ que de VTC (environ 2000 contre 2500), on peut se demander pourquoi les taxis semblent accepter le système Autolib’ alors qu’ils s’opposent frontalement au développement des VTC. Est-ce parce qu’ils considèrent que c’est un service différent, du fait qu’il n’y a pas de chauffeur ? Ou bien est-ce parce qu'il s'agit d'un service de transport porté par une collectivité publique, et que les VTC sont des services de transport privés ?
Quelques jours après la publication de notre article, l'Officiel des taxis publiait un article sur le sujet intitulé "Un frein à l'activité des taxis ?C'était l'occasion pour Jean-Pascal Péan du SG-TP (Syndicat général du taxi parisien" de s'exprimer sur le sujet. Pour ce dernier :" le service [Autolib'] a bien évidemment affecté le nombre de courses de taxis, mais cet impact reste limité car Autolib' est surtout utilisé par la clientèle locale et peu par les touristes." Est-ce Paris est seule métropole mondiale où le taxi n'est pas considéré comme un service à destination des habitants ? C'est du moins ce que laisse penser le représentant des syndicat des taxis parisien quand il dit que le service d'Autolib' n'est pas un concurrent car il est principalement destiné aux résidents.
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