Consommations énergétiques et émissions de polluants relatives à la mobilité annuelle des Vaudois

12/2/2021
Les auteurs de cet article
Clarice Horn
Chargée d'études et de recherche
Guillaume Blatti
Chargé d'études et de recherche
Nicolas Louvet
Fondateur et Directeur

Contexte, méthodologie et enjeux : une analyse inédite de la mobilité des vaudois sur une année

En 2014, 6t a réalisé pour le compte de l’État de Vaud une analyse inédite de la mobilité annuelle des Vaudois, considérant au-delà des déplacements qu’ils réalisent quotidiennement, ceux qui sont occasionnels (les voyages d’une journée, et ceux avec nuitées, soauvent pendant les week-ends et les vacances). Cette étude a été actualisée grâce aux données de la dernière enquête en date, le Microrecensement Mobilité et Transport 2015 (MRMT).

Figure 1 – Types de déplacements considérés

Cette estimation de la mobilité réalisée sur une année entière a permis le calcul de l’impact environnemental global imputable à la mobilité d’un Vaudois moyen, à partir du nombre de kilomètres parcourus. Un coefficient d’émission par kilomètre a été défini pour chacun des modes de déplacement, grâce à l’outil Mobitool dans sa version la plus récente (v2.0.2).

Quatre indicateurs clés ont été retenus pour transformer les distances parcourues en impact environnemental : la consommation d’énergie primaire (soit l’énergie consommée en prenant en compte l’énergie directe et indirecte : production énergétique, entretien du véhicule, construction et recyclage du véhicule, voies de communication route/rail) ; les émissions de gaz à effet de serre (convertis en kg équivalent CO2) ; les émissions d’oxydes d’azote (NOx) ; et les émissions de particules fines (PM10)

La connaissance et le suivi de ces indicateurs d’impact environnemental sont indispensables à la formulation de politiques publiques liées à l’aménagement du territoire et à la mobilité de ses habitants, et visant la réduction des consommations énergétiques.

Augmentation du nombre de déplacements et allongement des distances parcourues

La mobilité annuelle des vaudois a fortement évolué depuis 2005. Ils se déplacent plus souvent, et sur de plus longues distances qu’auparavant. En 2015, un vaudois moyen a parcouru 26 656 km, ce qui représente une augmentation de 36% par rapport aux déplacements de 2010, et de 47% par rapport à ceux de 2005. Cette tendance générale d’augmentation se structure de manière différente selon le type de mobilité́, les caractéristiques des territoires, et les modes de transport utilisés.

  • Une augmentation de la mobilité quotidienne tirée par les loisirs et les achats

La fréquence des déplacements quotidiens des vaudois a relativement moins augmenté que les distances associées à cette mobilité. Entre 2010 et 2015, le nombre de trajets a cru de 7%, tandis que la distance par déplacement a augmenté de 18%. Ce sont les déplacements liés aux loisirs (restaurants et bars, visites, accompagnements et autres loisirs) qui ont le plus augmenté : avec une augmentation de 8% de ces déplacements, les distances totales parcourues pour ces motifs ont cru de 48%. Ainsi, en 2015, un déplacement lié aux loisirs s’effectuait sur une distance moyenne de 14.1 km, contre 10.3km en 2010.

Après les loisirs, ce sont les achats et la consommation de services qui ont entraîné le plus de déplacements en 2015. Pour ce type de déplacements, la distance moyenne s’est cependant réduite, impliquant que l’on se déplace plus souvent mais moins loin.

  • Allongement des distances liées à la mobilité occasionnelle et accroissement des déplacements en avion

La mobilité occasionnelle des habitants du Canton de Vaud a fortement évolué. Ils voyagent plus souvent, tant à la journée que pour des périodes de plusieurs jours, avec nuitées. La distance moyenne parcourue lors d’un voyage à la journée a été réduite, tandis que celle d’un voyage avec nuitée s’est allongée.

L’allongement des distances parcourues lors de ces voyages a surtout été observée hors du Canton de Vaud, avec une augmentation de 66% pour les voyages dans le reste du territoire Suisse, et 71% pour ceux à l’étranger. Sur le sol vaudois, en revanche, les distances parcourues ont même été réduites de 8% entre 2010 et 2015.

Cette croissance conséquente de la mobilité longue distance observée entre 2010 et 2015 est en très grande partie due à l’usage croissant de l’avion. En 2015, un vaudois moyen parcourait 10 687 km en avion (soit 6158 km de plus qu’en 2010). Ceci représente une augmentation de 136% des distances parcourues en avion en 5 ans, et de 227% depuis 2005. À titre de comparaison, les distances parcourues en train n’ont augmenté que de 9% entre 2010 et 2015.

Figure 2 – Évolution des distances parcourues par les vaudois selon le territoire de référence et le mode

Un impact environnemental majeur, mis au défi de la neutralité carbone

La multiplication des déplacements et l’allongement des distances parcourues par les habitants du Canton de Vaud se sont traduits par des consommations énergétiques en forte augmentation au cours des dix dernières années. En 2015, un vaudois moyen a consommé 64 GJ d’énergie, soit 4.3 tonnes de CO2, 11 kg d’oxyde d’azote et 0.96 kg de particules fines (PM10), pour ses seuls besoins en mobilité.

Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone fixé à 1 tonne de CO2 par personne, l’effort à fournir est considérable. Il faudrait que la seule part des émissions liées à la mobilité des vaudois soit divisée par 10, et que leur impact soit réduit à 430 kg de CO2 par an, voire moins si l’on prend en compte la croissance démographique projetée. Le graphique ci-dessous présente l’impact de chaque mode de transport et type de mobilité considéré, et montre l’éloignement alarmant des seuils d’émissions projetés.

Figure 3 - Émissions annuelles en kg équivalent de CO2 selon le type de mobilité et le mode de déplacement

La densité des territoires, facteur explicatif de l’impact de la mobilité

L’accroissement de l’impact environnemental lié à la mobilité concerne tous les types de communes du Canton de Vaud. Néanmoins, des différences dans la composition du type de mobilité peuvent être relevées.

Les habitants des communes de densité élevée se déplacent proportionnellement moins sur le sol vaudois. Ceci leur permet d’afficher une consommation annuelle d’énergie moins important que celle des habitants de communes moins denses, plus dépendants des transports individuels motorisés dans leurs déplacements quotidiens.

Néanmoins, la rationalisation des déplacements quotidiens dans les communes denses est compensée par une hausse des déplacements occasionnels de leurs habitants. La consommation d’énergie liée à ces trajets de plus longues distances a augmenté de 105% pour les voyages avec nuitées à l’étranger, dont une grande partie est réalisée en avion.

Figure 4 - Densité humaine des communes vaudoises
Figure 5 – Évolution de la consommation annuelle d’énergie [MJ] selon la classe de densité de la commune de résidence
Des enseignements invitant à agir sur la forme des villes, et le choix des modes de transports utilisés dans les déplacements quotidiens et occasionnels

Alors que la Grand Conseil vaudois a voté́ l’urgence climatique en mars 2019, instaurant la lutte contre le réchauffement climatique comme une tâche prioritaire, ces enseignements révèlent des leviers d’action indispensables à la réduction de l’impact environnemental de la mobilité. Ils concernent à la fois l’aménagement du territoire, et la rationalisation des déplacements ; et le changement des modes de transport utilisés pour la mobilité quotidienne et occasionnelle.

Privilégier la compacité des territoires : La demande de mobilité dérive de la séparation spatiale des activités. Aussi, la recherche d’une forme urbaine compacte, générant une mobilité moins énergivore doit être prise en compte dans la formulation de politiques d’aménagement, visant à éviter l’éclatement des territoires et l’étalement urbain.

Encourager le changement modal et la rationalisation du parc automobile : La densification et la relocalisation des activités doit s’accompagner du développement massif de modes de transports alternatifs aux transports individuels motorisés. En ce sens, il est important de mener des actions pour rationaliser le parc automobile vaudois, alors que les ventes de « SUV » augmentent considérablement l’impact environnemental de celui-ci. La part croissante de ces véhicules dans la mobilité quotidienne a pour conséquence d’annuler une partie des bénéfices environnementaux du report modal réalisé depuis la voiture vers d’autres modes de transport moins énergivores depuis quelques années.

Générer une réflexion autour de l’usage de l’avion et de la régulation du secteur aérien : Le transport aérien est devenu une composante extrêmement significative de la mobilité occasionnelle. En valeur absolue, l’accroissement des distances parcourues en avion par les vaudois équivaut à la croissance de l’ensemble de leur mobilité́ annuelle. Aussi, il apparaît nécessaire que des régulations du transport aérien puissent être considérées. Celles-ci passent par l’internalisation des coûts des nuisances environnementales générées par l’avion : pour les compagnies aériennes, et pour les passagers, à l’échelle individuelle. En ce sens, le train constitue une alternative viable pour la mobilité intracontinentale, notamment via le développement des lignes de trains de nuit.