Contexte
La crise sanitaire du Covid-19 a poussé de nombreux actifs en emploi à adopter le télétravail de manière rapide et complète de mi-mars à mi-mai 2020. Cette forme de travail qui consiste à réaliser ses activités professionnelles à distance pour éviter un déplacement sur le lieu de travail habituel transforme l’organisation du travail et les modes de vie. L’étude menée par 6t-bureau de recherche et l'Ademe visait à estimer les impacts durables du télétravail sur les modes de vie et sur la mobilité.
Principaux enjeux
L’enquête visait à répondre à 4 problématiques principales, en questionnant leur durabilité post-confinement :
Méthodologie
La collecte de données a eu lieu du 30 avril au 13 mai 2020. Cette date a été choisie afin de prendre en compte les habitudes développées pendant 2 mois de confinement et avant la fin de celui-ci pour pouvoir interroger une situation présente. 4050 réponses ont été obtenues à l’échelle nationale, et après nettoyage, la base de données comptait 3995 réponses fiables. L’échantillon global est représentatif de la population française en termes d’âge, de genre et de catégories socioprofessionnelles. Par ailleurs, nous avons veillé́ à l’équilibre de la distribution des répondants par zone géographique.Des filtres ont permis d’identifier à quel public l’enquêté appartient afin de lui adresser une série de questions correspondant à son profil. Trois populations ont été ciblées : les habitués du télétravail, les primo-télétravailleurs et les non-télétravailleurs (personnes en recherche d’emploi, chômeurs partiels, actifs allant au lieu de travail, inactifs).Le questionnaire est organisé en trois sections : caractéristiques sociodémographiques des individus, travail et mobilité, modes de vie et consommations. Chaque thématique était déclinée sur les trois temporalités suivantes : avant-confinement, pendant et après (pratiques envisagées et souhaitées). En termes de mobilité, le questionnaire s’intéressait à la fois aux déplacements domicile-travail (et à ceux secondaires inclus dans la boucle de ce trajet), à ceux hors domicile-travail et à ceux effectués au sein de la journée de travail (pauses ou déjeuner). Les déplacements secondaires considérés correspondent aux motifs suivants : accompagnement, achat, loisirs, démarches administratives et médicales.L’ensemble de ces données a été analysé via une méthode développée par 6t (méthode CO3MD).
Principaux résultats
24,3% des actifs français ont découvert le télétravail pendant le confinement. Avant le confinement, 17% des actifs le pratiquaient déjà (12,5% de façon régulière au moins une fois par semaine, et 4,8% de façon occasionnelle à hauteur d’1 à 2 fois par mois). Parmi ces télétravailleurs habituels, les cadres et professions intellectuelles supérieures sont surreprésentées (40% alors qu’ils ne représentent que 13% de la population) ainsi que les habitants des grandes aires urbaines.Le profil des primo-télétravailleurs montre une féminisation et une diffusion du télétravail aux catégories non-cadres, professions intermédiaires en tête, ainsi qu’à de nouveaux territoires pendant le confinement. S’il s’est développé dans les moyennes aires urbaines, le télétravail est resté peu pratiqué en milieu rural, sans doute du fait des modalités des professions qui y prédominent.
Les télétravailleurs sont satisfaits de ce mode d’organisation du travail et 76% des primo-télétravailleurs souhaitent en faire au moins une fois par mois à l’avenir, parmi lesquels plus de 50% au moins une fois par semaine. Les dimensions du télétravail qui sont le plus appréciées par les télétravailleurs sont la gestion du stress et la concentration.
Les points à améliorer (ergonomie du poste de travail et relations professionnelles) sont principalement liés au fait que les primo-télétravailleurs ont télétravaillé tous les jours pendant le confinement. Ces difficultés seront sûrement moins présentes dans un rythme de télétravail plus classique d’une fois par semaine en moyenne.La principale motivation à poursuivre le télétravail après l’avoir découvert pendant le confinement est l’économie du temps de transport.
Le télétravail entraîne une réduction de 69% du volume des déplacements quotidiens et de 39% des distances parcourues par rapport à un jour travaillé sur place. En cas de généralisation du télétravail, la population des actifs en emploi après le confinement se restructurerait ainsi : 65% de non-télétravailleurs et 35% de télétravailleurs (17% de télétravailleurs actuels et 18% de nouveaux télétravailleurs).Cela permettrait l'évitement de 3,3 millions de déplacements par jour de semaine dont 1,5 millions de trajets pendulaires. En prenant en compte uniquement les trajets pendulaires réalisés en voiture, on constate qu'une développement du télétravail permettrait donc d'éviter 1,3% des émissions rejetées par la voiture chaque année en France. L'étude aborde la question d'un potentiel effet rebond (non comprise dans le calcul précédent).
En se diffusant dans des catégories de la population davantage motorisées que les télétravailleurs habituels, le télétravail pourrait devenir un vecteur de réduction de la place de la voiture dans les aires urbaines de plus de 500 000 habitants. Un autre effet possible est le désengorgement des transports en commun en zone dense, les télétravailleurs habituels ayant moins d’abonnement aux TC que les nouveaux.L’étude met en lumière que le télétravail est un potentiel levier pour l’emploi. 70% des demandeurs d’emploi ont déjà renoncé à postuler à un emploi car il était trop loin de leur domicile.
Les télétravailleurs réguliers affirment à 70% que le télétravail permet de relocaliser leur quotidien autour de leur domicile. Ils sont 43% à effectuer principalement leurs courses dans les commerces de proximité, ce qui est plus que les reste des actifs. Si les revenus jouent, le télétravail aussi.
La découverte du e-commerce pendant le confinement pourrait créer des pratiques de consommation plus fréquentes pour 10% des néo e-consommateurs (tous les mois ou plus).Enfin, l’étude des pratiques alimentaires et de consommation nous montre que le télétravail permettrait de lutter contre le gaspillage alimentaire en poursuivant les habitudes alimentaires acquises pendant le confinement (cuisiner plus et gaspiller moins).Pour aller plus loin : Télétravail, (Im)mobilité et modes de vie